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"Albert Lozeau rend hommage à la Belgique"


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Albert Lozeau (1878 - 1924) était un poète québécois.

Né à Montréal, il étudie à l'Académie Saint-Jean-Baptiste.
À l'âge de 18 ans, il est paralysé,
ce qui lui permet de développer ses talents littéraires.

Dans le tome 3 de son œuvre, il rend de vibrants hommages au
Roi Albert, à son épouse Elisabeth et à la Belgique souffrante.



image1 Le drapeau image2



Qu’importe son tissu vieux ou neuf, soie ou toile,
C’est le suprême signe et l’emblême sacré !
Le soldat dit : « Pour lui, noblement, je mourrai
Car il est mon chemin, mon guide et mon étoile ! »

« L’âme de mon pays palpite dans sa voile !
Tout l’esprit de ma race est en ses plis serré !
Où frémira sa gloire auguste, je serai,
Que le soleil l’éclaire ou que la nuit le voile ! »

« Il est mon bien, ma foi, ma force et mon amour !
Malheur à l’aigle impie, ou malheur au vautour
Qui tente d’y marquer sa griffe sacrilège !... »

« Si je tombe en luttant, ô sublime drapeau,
Que ta triple couleur m’honore et me protège :
Comme je t’ai suivi, suis-moi jusqu’au tombeau ! »



image1 À la Belgique sanglante image2



Salut, honneur, amour à toi, brave Belgique
Immensément grandie en une heure tragique !
Terre familiale, active, au doux accueil,
Te voilà déchirée, et ton peuple est en deuil !
Tu souffres aujourd’hui tant de maux ineffables :
La faim, le feu, la mort injustement t’accablent !...
Pour n’avoir pas dit : Oui, pour avoir résisté
Au voleur qui voulait prendre ta liberté,
Tu vois tomber tes fils en héros ! Mais ta gloire
Débordera demain des pages de l’Histoire !
La France et toi, de quelle ardeur nous vous aimons !
Comme avec piété souvent nous vous nommons !
Vous êtes les deux Sœurs nobles et magnifiques
Dont battent réunis les deux cœurs héroïques !
Nous les entendons bien malgré les océans,
Et ce n’est pas le bruit de « leurs » canons géants
Qui les étoufferait au fond de nos pensées,
Sur leur rythme pareil sans cesse cadencées !...
Oui, petite Belgique infinie en grandeur,
Nous te couronnerons d’amour et de splendeur !
Nous lèverons les yeux et fixerons ton âme,
Pour apprendre à mourir plutôt que d’être infâme !
Pour savoir que la Force échoue au pied du Droit,
Et qu’un tout petit peuple ayant un vaillant roi
Peut mater l’Ogre ! et, dans l’horreur de la tuerie,
Faire d’un sol sanglant une illustre Patrie !



image1 Àu Roi Albert image2



Sire, vous rehaussez l’homme et la royauté !
Quand auprès du soldat qui défend la Patrie,
Vous courbez votre front sur la terre meurtrie,
Personne n’est plus grand que Votre Majesté !
Sire, votre bon droit par nous est attesté ;
Désormais, à l’honneur la gloire se marie !
Vous avez, comme aux jours de la chevalerie,
Illustré votre nom d’héroïque beauté !
Sire, que le Seigneur vous soutienne et vous garde !
Si le triomphe est lent, si la victoire tarde,
L’heure de la justice auguste sonnera !...
De toutes vos douleurs faisant un diadème,
Une seconde fois Dieu vous couronnera !


image1 À la Reine des Belges image2



Ô Reine malheureuse et presque sans couronne,
Qui portez vaillamment une si lourde croix,
Vous nous faites songer aux saintes d’autrefois,
À celle-là, surtout : votre illustre Patronne !
Salut à la grandeur qui d’humbles s’environne,
Qui partage aux petits son cœur, sa main, sa voix,
Qui console, qui panse et qui guérit parfois,
Sans ostentation ni gloire fanfaronne !
Un jour qu’aux miséreux torturés par la faim,
Elisabeth portait, en mystère, du pain,
Ô miracle ! son tablier fut plein de roses !...
Reine qui subissez l’humiliant affront,
Vos vertus sont aussi de grandes fleurs écloses
Que tresse le Seigneur autour de votre front !


image1 Àu Cardinal Mercier image2



Ils ont voulu l’humilier : ils l’ont grandi,
Le pasteur vénérable à la figure austère ;
Ils ont voulu, sbires naïfs, le faire taire :
Sa voix multipliée a partout retenti !
Quand on s’est proclamé, du prince au plus petit,
La vertu, le délice, et le sel de la terre,
Il est dur pour son cœur et son haut caractère
De recevoir, soufflet cinglant, un démenti !
Quoi ! lorsqu’on a réduit un peuple en esclavage,
Qu’on a tué, brûlé, pillé comme un sauvage,
Qu’on est fort, on n’est pas la juste autorité ?
Vous n’avez aucun droit même sur nos ruines !
Non ! répond en dressant son front de sainteté,
Son Éminence l’Archevêque de Malines !


image1 Infirmière image2



Quelle force Dieu mit en vous, ô faibles femmes
Qu’une goutte de sang, hier, faisait trembler !
Stoïques, le sourire aux yeux, sans vous troubler,
Vous passez noblement en ces jours pleins de drames.
Vos mains, vos blanches mains douces comme vos âmes,
Pour conjurer le mal ont su se rassembler ;
Un seul désir vous meut : guérir et consoler
Ceux que meurtrit le fer, que brûlèrent les flammes.
Par l’affreuse blessure où le doigt se rougit,
D’une grave pitié, d’un courage élargi,
Vous versez l’espérance infinie aux victimes.
Au baume qui soulage un pauvre corps souffrant,
Vous ajoutez un peu de votre cœur si grand,
Et c’est cela qui fait que vous êtes sublimes !


image1 L’aumônier image2



Les mains rouges parfois des blessures pansées,
Il propose la Vie à ceux qui vont mourir,
Il absout, et son geste auguste semble ouvrir
Une porte, par où tant d’âmes sont passées !
Au nom de Jésus-Christ, les fautes effacées
Laissent au cœur la paix comme un grand lis fleurir ;
Prêtre, c’est sa manière à lui de secourir
Et de verser du ciel aux dernières pensées...
Au milieu des héros la mitraille pleuvait :
Calme comme en l’église, on l’a vu qui levait
Le bras, en prononçant les paroles divines.
Et, saintement, par son ministère absorbé,
Dans l’orage infernal écrasant les poitrines,
Sur un soldat qu’il bénissait, il est tombé...


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